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Expressions multiples des mondes perçus : Introduction de la rencontre AAU#6

Laure Brayer (Architecte, MCF ENSA Grenoble, AAU-CRESSON) et Yannick Sutter (Ingénieur, MCF ENSA Montpellier, AAU-CRENAU)

Cette dernière journée des rencontres AAU, intitulée « Exprimer les mondes perçus », part du constat suivant : pour appréhender les mondes perçus – pour les décrire, les analyser, les partager, les critiquer, voire les transformer – les recherches du laboratoire AAU ont recours à des formes d’expressions variées qui dépassent largement le cadre d’un texte académique.

Mots clés : introduction, ambiances, immersion, langages, images, écriture alternative, transmédia, modélisation

Cela est vrai depuis l’origine du laboratoire pour deux raisons principales. D’une part nos travaux s’inscrivent dans la recherche architecturale et urbaine qui manipule régulièrement tout un ensemble de « représentations canoniques » (pour reprendre l’expression d’Ola Söderström, 2000) : c’est-à-dire des visualisations, en plans, cartes, schémas qui disent autrement l’espace, ses éléments structurants comme ses qualités sensibles. Il n’est donc pas rare que des recherches du laboratoire convoquent directement ces modes de représentations, voire interrogent les « Cultures visuelles de l’urbain » (pour reprendre le titre d’un numéro de la revue Lieux Communs paru en 2008).
Et, d’autre part, les travaux sur la perception sonore de l’environnement, ont dès l’origine du laboratoire, donné la part belle aux expériences sonores, en proposant l’écoute de fragments audio comme médiation et comme support à l’expression de mondes perçus.

Captations, traductions, médiations

Au-delà de ces deux ancrages, on peut voir dans de nombreux projets récents diverses explorations des formes et formats d’expression des perceptions situées, ainsi qu’une multiplication des manières de les capter, de les traduire et de les restituer – on a d’ailleurs pu en avoir un premier aperçu lors de la rencontre AAU précédente, dans le montage proposé en introduction de l’après-midi sur la thématique de « l’ordinaire et ses méthodes ».

L’étude de la perception de l’environnement par le prisme des différentes modalités sensorielles renouvelle d’une part, les techniques de captation (on parle de capteurs embarqués, de réseaux de capteurs, d’enregistrements sensibles, etc.), mais aussi les formes d’enquête (par exemple les parcours commentés instrumentés, les méthodes immersives, ou de sensibilités réactivées, etc.). Plusieurs formes d’analyse et de traduction sont investiguées (qu’il s’agisse par exemple de modéliser, de représenter ou d’avoir recours à la fiction). De même sont explorées différentes manières de mettre en partage ces mondes perçus auprès d’un public non-académique (notamment dans des publications, projections, expositions, mises en situation, etc.).

L’exploration de ces formes d’expression n’est pas le propre d’une discipline. Au contraire, la fabrique partagée de captations, de traductions et de médiations des mondes perçus est un espace propice à l’échange renforcé entre les sciences et techniques, les sciences humaines et sociales, les sciences du design et les pratiques artistiques. C’est pourquoi cette journée s’articule autour de trois-tables ronde, qui invitent chacune au croisement des approches tout en donnant à voir la pluralité de travaux recourant à ces formes d’expressions multiples.

Immersions et mises en situations

La première table ronde intitulée « Immersions et mises en situations » explore différents types d’immersion qui permettent à un sujet de vivre une expérience sensible et les manières dont ces immersions nourrissent l’expression et la compréhension des ambiances architecturales et urbaines. Cette table ronde, animée par Yannick Sutter et Vincent Tourre, donne la parole à quatre chercheuses : Michèle Atié, Rima Ayoubi, Dimitra Kanellopoulou qui s’intéressent à l’immersion via des outils numériques ou des mises en situations dans des environnements réels ainsi que Nadine Ravel qui apporte un éclairage neurobiologique pour comprendre comment notre cerveau imprime et mobilise les expériences sensorielles. Les échanges interrogent notamment jusqu’où l’immersion dans un environnement virtuel peut reproduire l’expérience réelle ou encore comment retranscrire et partager une expérience sensible collective in-situ ?

Exprimer par les langages : Modélisations et récits

La seconde table-ronde, intitulée « Exprimer par les langages : Modélisations et récits » et animée par Myriam Servière & Jean-Louis Violeau, réunit quatre intervenant.e.s : Nathalie Audas, Abdelkader Ben Saci, Théo Marchal et Clémentin Rachet. Elle propose d’explorer l’expression des mondes perçus à partir des langages, qu’ils soient naturels ou informatiques, qu’ils relèvent du récit ou du modèle. Il s’agit de s’intéresser à des écritures variées des mondes sensibles (textes littéraires, codes informatiques ou paroles collectées) et au vocabulaire permettant d’exprimer et de concevoir les ambiances. Il s’agit aussi d’observer comment les expériences sensibles participent en retour à l’évolution même des langages existants. Comment dire le sensible parfois difficilement verbalisable ? Que peut exprimer une intelligence insensible sur le sensible ?

Du terrain à l’image

La troisième table-ronde, intitulée « Du terrain à l’image » et animée par Laure Brayer et Nicolas Tixier, réunit 4 intervenant.e.s : Benjamin Beaucamp, Misia Forlen, Laureen Gomez et Sevil Seten. Au sein de la recherche architecturale et urbaine, les images tiennent une place importante quant à l’expression des qualités sensibles des situations, pouvant donner à voir au-delà des mots la teneur d’une ambiance. Cette table-ronde interroge comment les images (photographiques, filmiques, cartographiques, graphiques, etc.), issues et produites sur et à partir d’un terrain d’enquête, peuvent être porteuses de compréhensions singulières des territoires et ambiances investigués : quels sont les processus de captation à l’œuvre, leurs spécificités et leurs effets ? Comment les images permettent-elles de partager autrement les données de l’enquête avec un large public ?

Exposition de formes d’expression

En complément des différents débats, l’exposition « Expressions des mondes perçus », assemblée par Marc Higgin et Yannick Sutter, est proposée. Elle rassemble différents médias, dispositifs et modes d’expression des ambiances qui viennent compléter les propos des intervenant.e.s de la journée : images satellites, visuels produits par une intelligence artificielle, cartes sensibles, créations filmiques, restitutions auditives ou encore expériences immersives dans un casque de réalité virtuelle ainsi que dans la plateforme Coraulis, outil immersif unique localisé à l’ENSA Nantes.
 
La journée est clôturée par une restitution synthétique et recontextualisée formulée à deux voix par Thomas Leduc et Laurent Matthey.

Cette journée du cycle des Rencontres AAU s’est déroulée le 17 mars 2023. Elle a été coordonnée par Rima Ayoubi, Abdelkader Ben Saci, Laurence Bizien, Laure Brayer, Ryma Hadbi, Yannick Sutter.

Ecouter le podcast sur la chaine CanalU des rencontres AAU

Bibliographie :

SÖDERSTRÖM, Ola, 2000. Des images pour agir : le visuel en urbanisme, Lausanne : Éditions Payot Lausanne. 139 p.

Laboratoire Langages actions urbaines altérités (LAUA), 2008. Cultures visuelles de l’urbain contemporain. Lieux communs, 11. Nantes : Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes et LAUA . 256 p. [En ligne] : index – collection intégrale de la revue Lieux communs – les cahiers du LAUA (hal.science)

Légende de l’image :

Dimitra Kanellopoulou – POLITOPIA, dans le cadre des ateliers co-organisés avec La Preuve par 7 et le PPCM pour Eleusis Capitale Culturelle, juin 2021, Eleusis, Grèce

Citer ce billet : Laure Brayer et Yannick Sutter, “Expressions multiples des mondes perçus : Introduction de la rencontre AAU#6”, in Fabrique du sensible & mutations des espaces habités, 27/06/2023, https://rencontreaau.hypotheses.org/3588.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Laure Brayer (27 juin 2023). Expressions multiples des mondes perçus : Introduction de la rencontre AAU#6. Fabrique du sensible & mutations des espaces habités. Consulté le 18 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/tlxk


Laure Brayer

Architecte, MCF en Arts et Techniques de la Représentation à l'École Nationale Supérieure d'Architecture de Grenoble. Chercheure UMR AAU-Ambiances Architectures Urbanités _ Équipe CRESSON

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