Autour du modèle ternaire Environnement -Milieu – Paysage
Mots-clés : modèle ternaire, Milieu, Environnement, Paysage, projet
Distinctions et complémentarités entre les notions d’ambiance, de milieu et de paysage. Le tiers environnemental
Distinctions
D’un point de vue formel, la distinction, pertinente, est pour moi ternaire. Qu’elle reste duale et je préfère l’appeler opposition ; qu’elle devienne multiple et elle risque de sombrer dans l’indistinction (par le nombre infini des distinctions potentielles) ; la limite inférieure de ce nombre étant trois, on pourrait presque soutenir que la notion même de distinction, par dé-finition, serait ternaire : en dessous, on ne distingue encore rien, au-dessus on ne distingue plus rien, à trois on peut générer toutes les distinctions voulues (cf. logique fractale comme forme de modélisation).
Mais d’un point de vue contenu, la distinction pour moi pertinente entre milieu et paysage ne doit pas être établie avec celle d’ambiance mais avec celle d’environnement. Distinction EMP :
- Définition Environnement
- Définition Milieu
- Définition Paysage
Complémentarité
Dans un tout autre ordre logique, la notion d’ambiance apparaît alors fondamentalement complémentaire. Davantage, elle est peut-être l’opérateur de complémentarité, de ce qui littéralement rend complémentaires ou interactives les 3 notions. Elle permet pour moi de désigner avec précision le mode d’articulation (affinitaire) entre les trois postures respectivement environnementale, médiale et paysagère. Encore cette complémentarité peut-elle s’actualiser selon des modalités extrêmement différentes, allant de la plus polarisée (il y a des ambiances qui induisent un rapport plutôt analytique, plutôt fusionnel ou plutôt perceptif, même si l’hypothèse est celle de la co-présence systématique des trois postures) à la plus empathique (l’acronyme EMP, disais-je, sont aussi les trois premières lettres de l’empathie !).
Quelle approche et conceptualisation du sensible caractérisent ces notions ? Structure fractale comme structure d’échappement
Le sensible, c’est le sens, le sens et le sens ! La modalité sensorielle, l’orientation dans l’espace et la dimension sémantique. C’est donc soit l’une de ces trois significations, mais on risque les quiproquos ou les conflits d’interprétation, soit les trois à la fois, ou plus précisément la manière dont les trois s’articulent. J’essaye pour ma part de tenir les deux positions, de garder la possibilité d’usage de l’une ou l’autre signification suivant les contextes de recherche ou de projet, mais de m’obliger à penser chacune en relation avec les deux autres – une forme d’« écologie du sensible » (par ex. comment l’écoute dans telle ou telle situation, me donne une orientation et donne sens à ma vie quotidienne, etc.).
Il y a donc deux représentations possibles de la “caractérisation du sensible”, au niveau des postures ou au niveau des critères :
- soit on dit que c’est la posture paysagère qui caractérise le rapport “sensible” au monde, par différence ou au regard des deux autres postures qui caractérisent respectivement un rapport “technique” et un rapport “social”, et c’est alors le rapport d’imprégnations mutuelles que la notion d’ambiance permet de désigner qui fait sens (au triple sens des modalités sensorielles impliquées, d’une orientation générale et de l’expérience vivante d’un sens partagé) à un autre niveau d’organisation de l’expérience sensible ;
- soit on dit qu’il y a des critères “sensibles” de caractérisation d’une ambiance qui relèvent de la dimension sensible et paysagère (des critères de qualitativité, ce qui fait la qualité sensible de –), par différence ou au regard des critères de qualité (environnementale) ou de qualification (médiale), et c’est alors la géométrie fractale des définitions ternaires entre critères sous-critères, sous-sous critères, … qui donne sens à chacun, qui lui donne son épaisseur sémantique (le trou blanc de la pyramide) en lui attribuant à la fois une définition, une position relative et un niveau d’organisation sémantique.




Les 4 faces d’une logique ternaire
Pascal Amphoux, 1991-2022
Quelle est la place du corps, du multisensoriel et de l’in situ dans ces notions ?
Fondamentale. Environnement Milieu et Paysage ne sont pas des cantons du territoire, ce sont des rapports au Monde, un rapport analytique, un rapport fusionnel et un rapport esthétique…
- Du premier on pourrait dire que le corps s’absente, du second qu’il s’y perd, du troisième qu’il en jouit ;
- Des trois postures il faut dire qu’elles sont multi-sensorielles par défaut : je veux dire qu’elles sont indépendantes de la modalité sensorielle qui les activent. Ainsi avons-nous pu proposer d’établir une homologie entre la trilogie écouter / ouïr / entendre, et une trilogie regarder / voir / a-percevoir et l’on pourrait chercher les mots pertinents pour d’autres modalités sensorielles (renifler / humer / flairer, etc.). Le fait que le modèle soit né d’une approche empirique sur le sonore n’est cependant sans doute pas insignifiant (le visuel ou du moins notre culture du visuel ne nous eut sans doute pas permis une telle liberté)
- De l’ensemble du modèle apparemment théorique et formel il convient de rappeler qu’il est né d’une approche fondamentalement empirique menée dans des cultures urbaines contrastées et qu’à ce titre critères postures et modèles partent de l’observation in situ.
Comment abordent-elles l’affect et quelles conséquences peut-on en tirer ?
Elles ne l’abordent pas.
Peut-être même sont-elles nées d’un besoin inexprimé mais tangible de s’en tenir à l’écart… Boutade : Par sa connotation inconsciente ou du moins préconsciente, l’affect serait peut-être l’infect de la relation médiale au monde !
Quelle est le pouvoir de ces notions pour être mobilisées comme outil pour l’action et la création ?
Radical pour les trois postures. L’intérêt des critères qualitatifs, à l’image des effets, c’est de fournir un vocabulaire analytique qui est indépendant de tout jugement de valeur et qui est directement opératoire pour le projet. Il désigne aussi bien un caractère observable qu’un caractère projetable, C’est un outil d’analyse-et-de-projet (connivence avec le slogan « L’analyse c’est le projet ! »)
- Pour preuve le modèle FSs dans la pratique et la pédagogie du projet. Une sorte de garde fou à l’aune duquel juger de la conduite ou de la qualité d’un projet, in progress ou achevé, a priori ou a posteriori, en actes ou en jury, …
- Les innombrables déclinaisons dans des champs de recherche et d’actions différents : Polarité mixité intensité dans celui de la Densité. Motricité Mouvance Emotion dans celui des Mobilités. Décor Ornement Motif dans celui de l’Architecture, etc.
Faible pour la notion d’ambiance. On ne sort pas facilement de l’opposition entre les minuscules et la Majuscule, entre la signification sectorielle des ambiances sensorielles (sonore, lumineuse, etc.) et le sens majeur mais flou de l’Ambiance avec un grand A. Question comment trouver les mots ou les outils pour passer des unes à l’autre ou réciproquement.
A quelle échelle spatiale sont-elles opératoires ?
A toutes les échelles. Le propre de cette “critériologie” et de l’écologie sémantique qui y est associée, c’est que les critères dégagés sont indépendants de l’échelle d’observation ou du projet.
Ce sont du même coup des “opérateurs” du changement d’échelle, argument majeur de la notion de projet – et tout particulièrement de celle de projet territorial ou urbain. Ce qui caractérise la démarche de projet, c’est peut-être la capacité du concepteur à articuler des échelles différentes (à l’inverse de la démarche analytique qui les isole et change d’outil suivant l’échelle d’observation).

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Citer ce billet : Pascal Amphoux “Autour du modèle ternaire Milieu – Environnement – Paysage” in Fabrique du sensible & mutations des espaces habités, 24/11/2022, https://rencontreaau.hypotheses.org/?p=1340
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Pascal Amphoux (24 novembre 2022). Autour du modèle ternaire Environnement -Milieu – Paysage. Fabrique du sensible & mutations des espaces habités. Consulté le 18 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/tlwx