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Situer les approches en termes d’ambiance – Introduction à la journée

Ce billet présente une introduction à la journée « Situer les approches en termes d’ambiance ». Il rend compte des développements dans le champ de la recherche des Atmospheric studies, argumente et justifie la thématique de la journée, et donne un aperçu des deux tables rondes qui l’ont structurée : une première sur les rapports entre les recherches en termes d’ambiance, de paysage et de milieu, et une deuxième sur l’intégration de la dimension socio-culturelle dans la recherche sur les ambiances.         

Mots clés : Ambiance, milieu, paysage, dimension socio-culturelle

Introduction

Comment situer et mettre en discussion l’approche des ambiances par rapport à d’autres perspectives apparentées ? Pour répondre à cette question, pour rendre plus clair l’intérêt et la motivation pour cette journée et la ligne d’horizon du programme de recherche de notre UMR AAU à laquelle cette journée est attachée, il semblait utile de regarder un peu en arrière et retracer quelques éléments de la place du terme ambiance dans l’histoire de l’UMR, mais aussi dans l’environnement scientifique dans lequel elle se trouvait et se trouve actuellement.

Dans son appellation précédente, l’UMR portait le nom « Ambiances architecturales et urbaines ». Ce nom peut être interprété comme un indicateur de la place des ambiances dans l’approche scientifique qui a guidé notre UMR à cette époque. Les ambiances apparaissent dans cet intitulé plutôt comme un objet qui était au centre de l’intérêt du laboratoire. On étudiait les ambiances en mettant en avant leur dimension architecturale et urbaine, afin de penser en particulier leurs conditions d’émergence et leurs inscriptions dans des pratiques de projet et de conception. Il faut bien évidemment ajouter que le travail de l’UMR sur les ambiances comprenait une importante dimension théorique et méthodologique nécessaire pour établir ce champ de recherche sur les ambiances en France. L’ouvrage collectif « Ambiances en débats » de 2004 (Amphoux, Chelkoff, Thibaud 2004) montre bien cette double orientation à la fois théorique et méthodologique d’un côté, et empirique d’un autre, qui permettait d’aborder les ambiances comme objet d’étude. Vu de l’extérieur – comme par exemple d’Allemagne – c’était surtout cette capacité de l’UMR à aborder les ambiances empiriquement comme objet et à les qualifier qui caractérisait la force et la pertinence de ce laboratoire, tandis que dans le monde germanophone la recherche à l’époque se limitait majoritairement à des discours théoriques et conceptuels.

Le présent intitulé « Ambiances – Architectures – Urbanités » laisse plus ouvert la manière de comprendre le domaine des ambiances. La première ligne d’horizon de l’actuel programme scientifique qui porte le titre « SITUER les approches en termes d’ambiance dans le champ des Atmospheres studies » (https://aau.archi.fr/laboratoire-aau/prochain-projet-scientifique-aau-2022-2026/, consulté le 14/11/2022) nous invite à nous intéresser spécifiquement à l’approche ou aux approches en termes d’ambiances. Ce nouvel intérêt se laisse bien comprendre si on regarde la dynamique récente dans le champ de la recherche que nous avons nommé dans le titre de cette ligne d’horizon Atmosphere studies et dont notre UMR est un acteur important.

L’internationalisation du champ de recherche des Atmospheric Studies a rendu visible une pluralité d’approches qui s’intéressent à cette problématique consistant à comprendre la capacité de l’être humain sensible à être affecté par son environnement immédiat : à côté de la recherche sur les ambiances, on peut citer la nouvelle phénoménologie fondée sur les travaux de Schmitz, la théorie esthétique des atmosphères de Böhme, la théorie des sphères de Sloterdjik ou encore le courant des affective atmospheres très présent dans le monde anglophone, issu d’une tradition post-phénoménologique. Notre UMR a largement contribué à rendre visible cette pluralité d’approches avec le réseau International Ambiances (https://www.ambiances.net/network/about-the-international-ambiances-network.html, consulté le 14/11/2022), la Revue Ambiances (https://journals.openedition.org/ambiances/, consulté le 14/11/2022) et la collection sur les ambiances et atmosphères chez Routledge (https://www.routledge.com/Ambiances-Atmospheres-and-Sensory-Experiences-of-Spaces/book-series/AMB, consulté le 14/11/2022). Mais il y a aussi d’autres approches voisines de la notion d’ambiance qui s’intéressent à la dimension sensible de l’humain et par rapport auxquelles il est intéressant et nécessaire de situer l’approche des ambiances, pour comprendre les pertinences, les points forts et faibles et les points aveugles de chaque approche pour aborder diverses problématiques. La dynamique récente des Atmospheric Studies permettait également une prise en considération de l’existence des nouvelles thématiques comme la recherche sur le shopping, les activités de loisir ou les conflits. Elle est accompagnée par des nouveaux défis conceptuels comme la prise en considération explicite de la dimension socio-culturelle.

La journée est organisée en deux tables rondes au sujet des deux thématiques mentionnées auparavant : la confrontation de la notion d’ambiance avec les notions de milieu et paysage ainsi que la prise en considération de la dimension socio-culturelle. Quatre intervenants invités prennent part à chaque table ronde avec de courtes interventions pour ouvrir la discussion. Chaque table ronde se termine par un retour très ouvert par deux membres du laboratoire AAU qui soulèvent les défis de chaque thématique pour le laboratoire.

Ambiance – Milieu – Paysage

Cette première table ronde est de nature plutôt conceptuelle. Elle part du constat que la notion d’ambiance n’est pas la seule à s’intéresser au rapport sensible que nous entretenons avec notre milieu de vie. Comme c’était déjà noté plus haut, tout un domaine de recherche existe autour des atmospheric studies. Ce domaine s’est développé en particulier dans le milieu de la recherche anglophone et germanophone.Mais il ne s’agit pas ici d’interroger l’articulation entre ambiance et atmosphere. Au cours de ces 15 dernières années nous avons beaucoup œuvré à l’international. Il est temps sans doute de revenir un peu plus près chez nous. Nous proposons donc de nous recentrer et de nous situer dans le contexte de la recherche francophone.

Ainsi, ce sont plutôt les notions de milieu et de paysage qui entrent en résonance avec celle d’ambiance. Dans le cadre de cette première table ronde, nous souhaitons donc mettre en discussion la notion d’ambiance avec celles voisines de milieu et de paysage. Il s’agit d’expliciter autant que possible les affinités et les voisinages entre ces notions, les éloignements et les rapprochements, et aussi les spécificités, les complémentarités et les points aveugles de chacune d’elles, dans leurs manières d’approcher le monde sensible, autant au niveau théorique, méthodologique ou empirique.

Deux petites précisions s’imposent ici. D’une part, ces trois notions se prêtent chacune à une pluralité d’approches. Que l’on parle d’ambiance, de milieu ou de paysage, on peut en parler selon une grande diversité de perspectives. D’autre part, ces notions évoluent au fil du temps et se prêtent à de nombreuses transformations. Peut-être assistons-nous actuellement à des mouvements de rapprochement entre elles ? Peut-être partagent-elles plus qu’avant des enjeux et des champs d’intérêt et de préoccupation ?

Le propos n’est donc pas d’opposer ces notions termes à termes mais de les mettre en tension, de les mettre à l’épreuve, d’opérer des déplacements, de faire travailler des écarts dirait François Jullien (2012). Cette mise en perspective devrait permettre d’ébaucher une cartographie raisonnée des approches sensibles au sein de la recherche francophone. C’est d’ailleurs ce que nous nous efforçons de faire aussi au sein de l’ANR SENSIBILIA (https://sensibilia.hypotheses.org/, consulté le 14/12/2022).

Dans le cadre de cette première table ronde, nous souhaitons aborder les questions suivantes :

  • Quelle approche et conceptualisation du sensible caractérise ces notions ?
  • Quelle est la place du corps, du multisensoriel et de l’in situ dans ces notions ?
  • Comment abordent-elles l’affect et quelles conséquences peut-on en tirer ?
  • Quelle est la capacité de ces notions à être mobilisées comme outil pour l’action et la création ?
  • A quelle échelle spatiale sont-elles opératoires ?

Ces questions sont bien sûr indicatives et pas du tout exhaustives. Elles ne sont là que pour permettre à nos invités de faire valoir leurs perspectives et leurs réflexions.

La dimension socio-culturelle de l’expérience des ambiances

Cette thématique de la deuxième table ronde n’est pas complétement nouvelle mais a pris jusqu’au présent relativement peu de place dans les travaux de l’UMR et a été rarement au premier plan dans des réflexions théoriques et des recherches empiriques. Tel est le cas dans une partie de l’ouvrage collectif « Ambiances urbaines en partage » (Thibaud, Duarte 2013) suite à un séminaire franco-brésilien à Rio de Janeiro. Nous souhaitons dans cette table ronde aborder deux aspects d’une prise en considération de la dimension socio-culturelle des ambiances :

(1) Cette problématique adresse d’un côté la question du rôle des diverses dispositions socio- culturelles dans le vécu des ambiances afin de prendre en compte la variété du monde contemporain. C’est avant tout la sociologue urbaine Andrea Löw qui a insisté, déjà au début des années 2000 dans sa sociologie de l’espace (traduit en français en 2015), sur la nécessité d’une prise en considération du genre, de la classe ou de l’ethnicité dans l’expérience des atmosphères. Dans la suite de ses réflexions – qui n’ont jusqu’au présent trouvé que peu de résonnance dans la recherche sur les ambiances et atmosphères – nous souhaitons aborder les questions suivantes dans cette deuxième table ronde :

  • Quelle est la place de la socialisation et des dispositions sociales dans le vécu des ambiances, et comment peut-on l’aborder ?
  • Quelle est la part du conscient et du pré-conscient et comment peut-on approcher ce dernier ?
  • Qu’en est-il du partage d’une ambiance et de l’intersubjectivité comme constitutive d’une ambiance.

(2) L’intégration de la dimension socio-culturelle dans la recherche sur les ambiances invite d’autre côté à s’intéresser plus explicitement au caractère ambiantal des mondes sociaux et à la vie sociale comme génératrice d’ambiances. Cette dimension de la problématique questionne le rôle de l’événement, de la scène, de la présence humaine et des gestes dans la production d’une ambiance. Cette deuxième perspective peut se traduire dans des questions suivantes que nous souhaitons aborder dans cette table ronde :

  • Globalement se pose la question de savoir qu’est-ce qui fait ambiance et lui donne sens?
  • Plus précisément, nous souhaitons aussi aborder le rôle des effets de présence et effets de signification dans l’émergence d’une ambiance. Ou autrement dit : quelle est le rôle de la dimension sémiotique et de la présence des symboles pour son émergence ?
  • En quoi une focalisation sur la vie sociale comme génératrice d’ambiance soulève-t-elle aussi la question du rôle du cadre bâti dans cette perspective ?
  • Sur un plan méthodique se pose une autre question : comment la vie sociale peut-elle être abordée si on la considère comme une génératrice d’ambiances ?
  • La culturalisation de la recherche sur ambiances nous invite finalement à réfléchir sur le rôle des notions comme celle de résonnance ou de correspondance pour qualifier la part socio-culturelle des ambiances.

Ecouter le podcast sur la chaine CanalU des rencontres AAU

Bibliographie

AMPHOUX, Pascal, CHELKOFF, Grégoire, THIBAUD, Jean-Paul (eds.). 2004 : Ambiances en débat. Bernin : À la Croisée. 309 p.

JULLIEN, Francois, 2012. L’écart et l’entre. Paris : Galilée. 96 p.

LÖW, Martina, 2015. Sociologie de l’espace. Paris : Maison des Sciences de l’Homme. 302 p.

THIBAUD, Jean-Paul, DUARTE, Cristiane Rose (eds.) 2013. Ambiances en partage : culture, corps et langage. Genève : Metis Presses. 286 p.

Citer ce billet : Rainer Kazig et Jean-Paul Thibaud “Situer les approches en termes d’ambiance – Introduction à la journée,” in Fabrique du sensible & mutations des espaces habités, 24/11/2022, https://rencontreaau.hypotheses.org/?p=1255


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Rainer Kazig (24 novembre 2022). Situer les approches en termes d’ambiance – Introduction à la journée. Fabrique du sensible & mutations des espaces habités. Consulté le 18 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/tlwy


Rainer Kazig

Chargé de recherche CNRS, UMR Ambiances – Architectures – Urbanités / CRESSON

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